lundi 21 mai 2012 à 20h30

Enfermement et expulsion des étrangers en europe - Projection du film "Vol spécial"

Fernand MELGAR - documentaire Suisse 2011 1h40mn -

Débat animé par Christophe Miqueu et Samuel Nelken, professeurs de Philosophie à l'IUFM d'Aquitaine

Et voici la présentation de la gazette de l'utopia - légère comme une choucroute tiède arrosée de 8.6, comme d'habitude :

"Disons-le tout net : c'est le film le plus fort qu'on ait pu voir sur les Centres de Rétention Administrative, ces antichambres de l'expulsion pour les personnes sans papiers ou déboutés de leur demande d'asile. Un film passionnant et indispensable.
Le réalisateur suisse Fernand Melgar a eu totale liberté pour s'immerger et filmer au sein du Centre de rétention de Frambois, nom étrangement sucré pour une institution genevoise qui brise irrémédiablement les vies de ses pensionnaires qui savent bien que l'issue inéluctable de leur séjour est le renvoi dans leur pays d'origine, qu'ils ont généralement quitté pour de très bonnes raisons. Si les responsables du centre et du canton ont donné leur feu vert à ce tournage, c'est probablement parce qu'ils sont persuadés que leur centre est exemplaire : pensez donc, Frambois, c'est le cinq étoiles de l'attente avant expulsion ! Les « retenus » peuvent y circuler librement hors de leur cellules de 8h à 21h, la nourriture y est copieuse, chacun peut disposer de la vaste cour de promenade avec vue sur les Alpes environnantes. Et surtout le personnel est compréhensif, attentif aux petits coups de déprimes des uns et des autres, parlant avec douceur et prévenance à chacun… Tout est fait pour que tout se passe paisiblement, pour que les retenus, après quelques semaines ou quelques mois de séjour, acceptent de monter tranquillement dans un avion en vol régulier à destination de leur pays d'origine. Ils éviteront ainsi le « vol spécial », celui qui les emmènera avec moins de délicatesse, entravés, ligotés parfois jusqu'au malaise, vers leur destination.

Le film nous fait découvrir, avec empathie mais sans pathos, le quotidien de ces hommes dont on sait que, sauf miracle (il y a tout de même deux « retenus » libérés dans le film) la vie va être tôt ou tard brisée. On imagine la tension, l'angoisse permanentes… Il y a Wandifa, le Gambien qui chante et compose toute la journée, égayant la vie de ses codétenus mais aussi des matons ; il y a Serge, le pacifique Congolais qui refuse de voir l'évidence, comme le mouton qui ne sait pas qu'il est destiné à l'abattoir ; Ragip, le saisonnier kosovar qui s'inquiète du devenir de ses trois enfants et de sa femme… On voit leur espoirs très minces, la solidarité qui dépasse les différences ethniques, les relations ambiguës de proximité et de colère vis-à-vis du personnel.
Car ils sont gentils, les surveillants, les cadres, le directeur du centre. Ils se font du souci, ils compatissent, et ils sont de toute évidence sincères… Et c'est ce qui rend aussi terrible, aussi implacable ce film qui montre que, quelques soient les tentatives d'humanisation du système répressif, elles restent vaines tant est sans pitié, sans humanité la finalité du dispositif.
On le voit dans quelques scènes inoubliables : quand un juge a priori bienveillant oppose à toute la vie de souffrance et de courage d'un homme d'impitoyables décisions administratives ou quand on apprend qu'un réfugié nigérian est mort au cours de la procédure du « vol spécial », entravé jusqu'à l'étouffement par la police zurichoise… Car si Fernand Melgar n'a eu l'autorisation de filmer que le « doux purgatoire » qu'est le centre de Frambois, il nous fait bien deviner l'enfer du hors champ, de l'après : la salle d'entravement, le chemin vers l'avion, vers le départ forcé…

Dans le calme, dans la raison, presque dans la douceur, ce film remarquable est le plus féroce des réquisitoires contre l'insupportable cruauté, mais aussi l'insondable bêtise des politiques d'expulsion menées par des pays européens obsédés, pour de bien mauvaises raisons, par l'immigration clandestine."

Source : message reçu le 16 mai 15h